Évènement

Claude Lévêque

Lundi 8 novembre 2004 à 19h

Depuis une dizaine d’années, Claude Lévêque (né en 1953) enchaîne les expositions à un rythme effréné.

 

 

Chaque nouvelle proposition est un choc pour le spectateur car l’artiste sait inventer à chaque fois une nouvelle façon de traduire, avec une sobriété d’une bouleversante efficacité, la réalité impitoyable de notre monde, dominé par la violence et l’absence d’humanité.
Claude Lévêque puise ses thèmes dans la vie quotidienne et les nourrit des souvenirs et des émotions de l’enfant qu’il a été. La lumière – sous forme d’ampoules clignotantes ou de phrases écrites en lettres de néon – constitue avec le son l’un de ses matériaux favoris.
Éminemment politique au sens où elle exprime l’angoisse d’une certaine jeunesse et son désir de vivre autrement, son oeuvre dérange et fascine à la fois. Elle place cet artiste français à l’une des toutes premières places de la scène artistique européenne d’aujourd’hui. (Une exposition personnelle de Claude Lévêque, « Vinaigre », se tient jusqu’au 5 décembre à la galerie Yvon Lambert à Paris).
Michel Nuridsany (qui le suit depuis ses débuts dans les années 80) et Philippe Régnier, deux grands connaisseurs de son travail participeront également à ces Entretiens sur l’art.

 

Catherine Francblin (CF) : J’ai le plaisir d’accueillir Claude Lévêque. Vous venez d’assister à la projection d’une vidéo de ses dernières installations (2000-2004), disponible à la Galerie Yvon Lambert. Pour parler de son travail je suis accompagnée du critique d’art Michel Nuridsany et de Philippe Régnier, rédacteur en chef du Journal des Arts.
Claude Lévêque est né en 1953 à Nevers. Il débute dans les années 80 et réalise d’abord des oeuvres en référence à son enfance. Dans les années 90, il passe à des oeuvres traitant de « mythologies collectives », Depuis une bonne dizaine d’années, il enchaîne les expositions à un rythme effréné, sans jamais se répéter, inventant à chaque fois une nouvelle façon de traduire, avec une sobriété d’une bouleversante efficacité, la réalité impitoyable d’un monde dominé par la violence et l’absence d’humanité. Voilà pourquoi nous avons intitulé cet entretien : « L’art dans un monde impitoyable ».
Les oeuvres de Claude Lévêque jouent sur le registre de l’émotion d’une façon unique sur la scène de l’art dans la mesure où, formellement, son travail découle de l’art minimal beaucoup plus que de l’expressionnisme.
C’est un travail éminemment politique au sens où il traite de l’emprise que la société exerce sur les individus les moins à même de s’y soustraire, sinon par une violence égale à celle qui s’exerce sur eux. C’est une oeuvre qui fascine, mais aussi qui dérange parce qu’elle prend le spectateur à témoin de souffrances sur lesquelles il préférerait parfois fermer les yeux.
Nous allons tout d’abord interroger Claude Lévêque sur ses débuts.
Quelle a été ta formation ? Comment en es-tu arrivé à travailler dans le domaine des arts plastiques, quelles oeuvres t’on conduit à devenir artiste ?

Claude Lévêque (CL) : J’ai fait les Beaux arts à Bourges, jusqu’en 1976, 1977. Je n’avais pas envie de me lancer dans une carrière d’artiste tout de suite, j’avais plutôt envie de faire des expériences. J’ai donc commencé en faisant des petits films, de la photo ou en travaillant pour la mode, ce qui n’était pas évident car je n’étais pas préparé. J’ai commencé par hasard, en 1981. Quelqu’un qui connaissait mes petits films m’a proposé de participer à une exposition à la maison des arts de Créteil. A l’époque, j’étais très marqué par Gilbert & George, Journiac, les artistes de la mouvance de l’Art corporel ou de l’Actionnisme viennois.
J’ai fait des photos autour de différentes situations, de références que je m’appropriais, comme l’univers de Visconti. Quand ce projet d’exposition m’a été proposé, je ne savais pas quoi faire : accrocher les photos aux murs ? quel format leur donner ? J’ai eu envie de faire autre chose. J’ai alors réalisé « Grand Hôtel » (1982). J’ai décidé d’installer une sélection de photos sur un hôtel, sous forme d’un rituel. Voilà comment je suis arrivé à l’art. Michel Nuridsany a été le premier à découvrir mon travail, il m’a ensuite présenté à d’autres personnes, ce qui m’a conduit à faire d’autres expositions.

CF : Michel, quelles sont les premières oeuvres que tu as découvert de Claude Lévêque ?

Michel Nuridsany (MN) : La première est « Grand Hôtel ». En voyant cette oeuvre je me suis dit : « c’est une oeuvre d’art ». On m’a alors présenté Claude et j’ai eu un véritable coup de foudre. A cette époque on s’appelait 2 à 3 fois par jour. Je tiens à dire cela, non par excès d’impudeur mais pour expliquer que je crois beaucoup à la relation personnelle avec un artiste. Je ne crois pas du tout aux relations distantes. J’aime beaucoup les rapports très personnels, même s’il faut conserver une certaine froideur. Je crois qu’il faut diviser son cerveau en deux parties : une plutôt froide et l’autre plus chaude. Mais au début, avec Claude la partie chaude l’a emportée.

CF : Comment as-tu vu évoluer son travail ?

MN : Je suis acteur de cette évolution. Nommé à la biennale de Paris pour sélectionner la photographie, j’ai demandé à Claude s’il faisait de la photographie et je l’ai choisi pour exposer à cette biennale. Vers 1984, Eric Fabre l’a repéré et assez vite cela a marché. En même temps, Claude se lamentait car ses amis de la nouvelle figuration vendaient beaucoup plus que lui.

CL : En effet, j’étais anachronique dans cette période, car il n’y avait aucun autre regard que pour la peinture. Nous étions dans une période de rupture avec l’art conceptuel dur, vers un retour aux imageries populaires : la Bande Dessinée, le rock.

CF : Philippe, quand as-tu découvert le travail de Claude Lévêque ?

Philippe Régnier (PR) : Je l’ai découvert plus tard car je suis arrivé dans le milieu de l’art en 1992, après la Documenta de Cassel qui a représenté un véritable choc personnel. J’ai découvert le travail de Claude en 1993, dans une exposition organisée par Yves Aupetitallot à Firminy dans une unité d’habitation de Le Corbusier, à moitié désertée. Pour cette exposition, chaque appartement avait été confié à un artiste et Claude avait complètement investi l’espace en y installant au 1er étage – puisque tous les appartements sont en duplex – une tente. Ensuite, en descendant les escaliers, on arrivait devant 2 néons où étaient inscrits les noms des terroristes allemands : « Baader Meinhof ». Or, j’ai longtemps habité dans le Sud de l’Alsace et suis donc particulièrement sensible à l’actualité allemande. Dans les années 77-78, alors que j’avais 8 ou 9 ans, l’Allemagne était terrorisée par ce groupe qui a assassiné le « patron des patrons » allemand dont le corps a été retrouvé dans le coffre d’une audi garée dans un parking de Mulhouse à moins de 100km de là où j’habitais. Donc, quand je vois ce néon de Claude, c’est un choc. Je me demande comment on peut évoquer la mémoire de ces terroristes qui ont semé une véritable terreur dans la région. Enfant, j’étais terrorisé par ce groupe. Il nous suffisait de traverser la frontière et dans tous les bureaux de poste allemands étaient affichés les portraits de ces personnages, ce qui était très impressionnant.

CL : Je vais vous décrire le dispositif de cette pièce. J’ai beaucoup lu les écrits d’Ulrike Meinhoff, sur son emprisonnement, sa privation de liberté. J’ai été marqué par ses conditions d’emprisonnement très particulières à Stuttgart. Elle était dans un espace de privation sensorielle, dans lequel elle ne pouvait ni communiquer, ni entendre. Cette situation singulière est le point de départ de certains de mes dispositifs. Pour cette exposition, dans l’unité d’habitation de Le Corbusier, j’ai travaillé avec dans un appartement traversé d’une lumière : d’un côté, une grande ouverture donnant sur le paysage et de l’autre une petite. J’ai muré ces deux ouvertures quasiment jusqu’en haut, en laissant juste un meurtrière qui laissait passer une lumière rasante, au niveau du plafond. Dans les deux chambres des enfants, j’ai écrit le nom des terroristes « Baader Meinhof ». J’ai également installé sur le sol de chaque pièce un carton d’emballage et un poste de radio diffusant des émissions de radio ponctuées de nombreuses publicités.

PR : L’intérêt de cette pièce est qu’elle cristallise vraiment le travail de Claude. Tout d’abord, le commissaire d’exposition, Yves Aupetitallot, est originaire de Nevers, comme Claude. Ensuite, le lieu d’exposition n’est pas un musée mais un appartement, une cité : un lieu qui exprime l’échec total de l’utopie moderne. Enfin, le langage utilisé par Claude : le néon, le noir, la musique – que l’on retrouve de façon récurrente dans son travail – et la violence extrême de ces deux terroristes et du son qui emplit l’appartement à tue-tête.

CF : Michel, tu as suivi depuis ses origines le travail de Claude. Tu as assisté à la transformation qui s’est opérée dans son travail entre « Grand Hôtel » et les pièces exposées dernièrement à la galerie Yvon Lambert.

MN : Evidemment, même si, à mon avis, il y a toujours une constante : une tension entre la douceur et la violence, entre le rêve et la terreur. Dans la pièce présentée chez Yvon Lambert, on retrouve cette tension entre une demande de tendresse et la violence du monde tout autour. De même dans « Grand Hôtel » il y a un côté attirant, celui des photos entourées de cadres dorés. En même temps, du verre brisé est disposé autour pour vous empêcher d’aller vers cette chose attirante. Dans le travail de Claude, cette tension entre quelque chose d’attirant et de repoussant, de doux et de terrible, de noir et de lumineux est toujours perceptible, comme dans « La Nuit », une des pièces que j’aime particulièrement. Elle a été acquise par Jean-François Taddéi pour enrichir la collection du Frac Pays de Loire.

CL : « La Nuit » a été présentée au centre d’art de Meymac et à l’Arc, en 1984, pour une exposition de jeunes artistes. Le dispositif est une sorte d’îlot avec, dans le sable, des portraits d’enfants peints sur une découpe de bois et des tentes sur lesquelles sont projetées des taches de lumières. Pour l’anecdote, parmi les portraits d’enfants, il y a celui de Medhi, de la série Belle et Sébastien qui est un personnage qui a marqué mon enfance et j’ai d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer l’acteur. Cette pièce est très visuelle, mais le son est un élément absolument essentiel. Il est constitué de différents bruits de nuits : le feu, l’eau, le vent, les craquements d’arbre et d’un thème musical, diffusé au travers d’une boîte à musique d’enfant. Nous sommes donc dans une ambiance totalement nocturne. Cette pièce a été beaucoup montrée et j’en ai interdit la reproduction. Son côté trop esthétique, trop frontal m’a ennuyé et surtout le son est crucial car il permet de comprendre le dispositif.

CF : Il s’agit d’une oeuvre liée à un souvenir d’enfance, n’est-ce pas ?

CL : Oui, elle s’inscrit dans la première partie de mon travail. J’ai restitué de façon assez théâtrale mes souvenirs.

CF : Tu es d’ailleurs proche de Bernard Faucon qui travaillait sur le thème de l’enfance.

CL : Effectivement, je me sens aussi proche de gens comme Annette Messager, Christian Boltanski qui travaillent sur des univers privés.

CF : Pourtant tu affirmes également être l’héritier de Daniel Buren, est-ce plus au niveau de l’occupation de l’espace ?

CL : Je m’intéressais effectivement à des gens qui travaillaient sur la vie, sur des univers autobiographiques et sur le corps comme lieu d’investigation. L’univers extrêmement radical, dur et vide de l’art minimal et son obsession pour la rationalité m’a aussi fortement marqué. Cette influence est apparue dans mon travail à partir du moment où toute la charge de mémoire s’épure et donne lieu à une simplification par le vide et la déréalisation du sens.
Je voulais terminer la présentation de cette partie de mon travail sur l’enfance, en vous présentant une série d’objets. J’ai, par exemple, refabriqué un lit où j’ai inscrit sur une latte du sommier : « Le trou dans la tête ». Dans cette pièce, j’ai également installé une ampoule qui se balance d’un bout à l’autre de la phrase et qui projette la découpe de la tête d’une chaise sur le mur.
J’ai réalisé « La peur du vide », lorsque j’ai été invité à travailler dans un lycée à Mault. Dans cette oeuvre, je me suis approprié du mobilier propre à l’école, comme une table de réfectoire. Pour « Asile », une pièce qui est au Musée d’Art Moderne, j’ai également utilisé du mobilier scolaire. Cette pièce fonctionne sur un principe d’inscription extrêmement simple sur des objets courants.

CF : Ces objets appartiennent à une certaine catégorie. Ils renvoient à des univers collectifs .

CL : Ce n’est qu’ensuite que mon travail évolue vers l’anonymat. J’interviens alors non plus avec des objets de mon passé, mais avec des objets complètement déréalisés, qui ne sont plus des objets purement de collectivité. Ainsi, j’associe les objets pour raconter une histoire, une fiction. Nous arrivons d’ailleurs à une oeuvre que Michel apprécie beaucoup : « Sans titre » (le bol et cuillère), 1991.

MN : Je n’ai aucun commentaire à faire sur cette oeuvre : on la comprend ou non et c’est ce qui me plaît beaucoup. Cette pièce est « lâchée » comme ça, elle dépasse l’artiste lui-même et devient une petite merveille.

CF : Pourtant Fabrice Hergott, directeur des Musées de Strasbourg, dans l’introduction publiée dans un catalogue de Claude Lévêque, trouve beaucoup de choses à dire et je trouve, moi aussi, que justement il y a énormément de choses à dire à propos de cette oeuvre. Alors Claude, parles-nous en !

CL : Cette pièce est un geste. Elle fait partie d’une série d’oeuvres conçues selon le même principe. Elles sont présentées sur un socle à hauteur du visage. Outre cette petite cuillère et le bol, sur un autre socle est posé une assiette de collectivité contenant une lame de rasoir et sur le troisième socle, un métronome bat à la vitesse du rythme cardiaque.

MN : Ces oeuvres utilisant des objets utilitaires nous placent dans un rapport au corps très immédiat.

CF : Si la cuillère était en argent, l’oeuvre ne produirait pas le même effet.

CL : Certainement, d’autant que sur la cuillère est inscrit « Hôpital de Nevers ». Ce n’est pas par hasard, c’est lié à mon histoire, à des territoires. Ce n’est pas un geste purement conceptuel.
Pour ma deuxième exposition chez Eric Fabre, j’ai choisi d’utiliser l’ espace. En contrebas de l’entrée, des escaliers menaient à une salle carrée. J’avais rabaissé l’entrée pour contraindre le visiteur à se mettre à quatre pattes, dans une position animale et sur le mur du fond j’avais installé des éléments de batteries d’élevage de porcs. Ainsi, les spectateurs recevaient cette vision à hauteur d’animal. Cette oeuvre est un autre type de position par rapport à l’espace. Avant j’utilisais des objets de l’équipement collectif qui marquaient déjà ma position vis-à-vis de l’histoire, des camps de concentration. Cette oeuvre ne marque pas une rupture totale dans mon travail : elle n’est par arrivée par hasard, même si c’est peut-être une de mes premières prises de position par rapport à une certaine réalité.

MN : Je pense qu’au contraire cette oeuvre marque une véritable rupture. Ceux qui connaissaient le travail de Claude ont remarqué un net changement lors de cette exposition.

PR : on passe effectivement à un niveau d’intensité de violence supplémentaire.

CL : Oui, avec cette volonté de forcer la perception du visiteur, en l’obligeant à adopter une position d’humiliation.

CF : Il semble que tu sois allé de plus en plus dans cette direction, consistant à mettre le spectateur dans un espace qui le contraint, le tétanise, le brusque. Tes oeuvres cernent souvent le spectateur. Ce sont des espaces fermés, violents, au niveau du son ou de la lumière qui l’aveugle ou le déstabilise. Je me souviens notamment d’une pièce intitulée « Ende », présentée chez Yvon Lambert en 2001. Le spectateur entre dans une salle complètement obscure, il ne sait donc pas où il va. Il ne sait plus s’orienter, a peur de se cogner, de rencontrer des gens et la seule chose qu’il entend est une chanson. Il est déstabilisé par rapport à l’espace, d’autant que le sol est mou et qu’il ne peut rester fixe, il est obligé de marcher. Finalement, il est prisonnier de cet espace. Il n’ose même pas ressortir car il se demande comment il va trouver la sortie. Prendre le spectateur et le violenter au moyen de l’oeuvre marque une évolution importante dans ton travail.

CL : C’est mon côté « terroriste ». J’ai réalisé « Ende », après être allé à Auschwitz. Je me sens concerné par cette période de notre Histoire car un de mes grand-pères a été déporté politique. J’ai ressenti le besoin de m’informer sur cette période, j’ai énormément lu et c’est à ce moment que j’ai créé cette pièce. A cette époque, j’ai également conçu « Arbeit Macht Frei », une oeuvre qui présente la figure du Mickey de Disneyland en remplaçant le texte de l’enseigne de « Disneyland » par ces mots inscrits au dessus du camp de concentration d’Auschwitz, « Arbeit Macht Frei », qui signifient « Le travail rend libre ». J’ai créé cette oeuvre au moment de l’ouverture de Disneyland Europe.

CF : As-tu rencontré des problèmes avec cette oeuvre ?

CL : Malheureusement je n’ai pas eu de problème avec Disney ! Cependant, en province, j’ai dû m’expliquer avec des fédérations de déportés car des journalistes mal intentionnés et opposés à l’art contemporain avaient utilisé cette pièce pour me traiter d’artiste néo-nazi. J’ai donc vivement réagi et expliqué ma position par rapport à l’amnésie, à la façon dont l’oubli peut être manipulé par des univers comme ceux développés dans Disneyland, où les gens baignent dans un environnement de rêve, de magie, de sorte qu’ils ne perçoivent plus de la même manière la réalité. Pour moi cet univers est du décervelage. Cette pièce a été présentée lors de l’exposition « Les Survivants » organisée par Elein Fleiss à la galerie Eric Fabre.

CF : Michel, peux-tu nous parler maintenant de l’oeuvre « Fin de fête » ?

MN : Il s’agit d’une série d’oeuvres réalisées par Claude au début des années 1990, 93, 94 qui a été montrée à Montréal et à Bruxelles. Nous retrouvons toujours cette notion de tension entre la joie, le plaisir, la douceur, et la violence, la douleur, le désespoir que la fête soit finie. Cette idée est essentielle pour entrer dans l’univers de Claude.

CF : En 1993, tes oeuvres commencent à prendre de l’ampleur dans l’espace. Tu emploies d’ailleurs le terme d’« in situ », comme Buren, et tu fais de plus en plus référence au lieu. Philippe comment envisages-tu cette relation que Claude entretient avec le lieu ?

PR : C’est une question centrale aujourd’hui dans le travail de Claude. A partir des années 1990, il a commencé à intervenir dans des espaces qui n’étaient pas destinés à l’art contemporain. Il est intervenu, par exemple, dans des appartements ou dans une piscine abandonnée et ce que je trouve particulièrement intéressant c’est que Claude s’approprie complètement l’espace. Ce n’est plus le lieu qui conditionne l’oeuvre mais l’oeuvre qui conditionne le lieu. Il s’approprie le lieu par la lumière ou le son, lequel a une place centrale dans son oeuvre en tant que saturateur de l’espace. En repensant à « The unilevers series » de Bruce Nauman présentée à la Tate Modern à Londres, je trouve qu’il existe une analogie entre l’appropriation de l’espace à travers le son par Bruce Nauman et le travail de Claude.

CL : Le son crée effectivement un volume et accompagne la diffusion de l’oeuvre dans l’espace.
Au début des années 1990, j’ai été invité par Emmetrop (association qui organise beaucoup de concerts et qui a créé Transpalette à Bourges) à faire une résidence dans un appartement HLM du quartier nord de Bourges. J’y ai fait trois interventions. Dans l’une, j’ai recouvert les fenêtres et les murs de l’appartement de matelas de collectivité (récupérés dans les lycées, les prisons). Le spectateur arrivait de l’extérieur, imprégné de sa vision d’une cité assez dure et d’un seul coup, il était privé de la vision de l’extérieur et même de l’appartement lui-même. En même temps, le son était assourdi : on n’entendait même pas le bruit que l’on faisait. De plus, j’avais rabaissé le plafond à la hauteur des matelas.

MN : Claude, pouvez-vous nous parler aussi d’une exposition très importante, « L’hiver de l’amour », en 1994, à l’Arc/Musée d’Art moderne de la ville de Paris.

CL : C’est effectivement une manifestation majeure, organisée par Olivier Zham et Elein Fleiss, qui réunissait des oeuvres proposant une autre façon de voir. Elle comprenait un choix de vidéos, de clips ou encore de performances. Je trouvais particulièrement intéressant que le prix de l’entrée soit réduit, car cela a permis un accès assez large à l’exposition où beaucoup de jeunes sont venus. Il y avait aussi plusieurs espaces de convivialité où les gens se retrouvaient. Ils circulaient autrement que dans une exposition collective institutionnelle.

CF : Certes l’exposition était remarquable, mais je voudrais que rappeler en particulier ta proposition. L’oeuvre montrée faisait froid dans le dos parce qu’elle traitait d’un espace d’enfermement. Le visiteur voyait en contrebas un espace construit avec des parpaings, tel un enclos, dans lequel des chemises blanches étaient jetées au sol comme si des gens s’étaient déshabillés à toute vitesse et étaient partis en courant. Mais on ne savait pas s’ils avaient dû se sauver pour échapper à une catastrophe ou s’ils s’étaient déshabillés rapidement parce qu’ils avaient par exemple eu envie de faire l’amour immédiatement. Il semblait pourtant que ce qui s’était passé dans cet endroit n’était pas très gai.

Nous pourions maintenant parler d’une autre exposition à l’ARC, en 1996 : « My Way ».

CL : Avant d’entrer dans la grande galerie de l’ARC, je projetais l’image d’un adolescent qui dansait sur de la musique bien qu’il n’y ait pas de musique. Il s’agissait d’une projection en noir et blanc sur un mur métallisé. Le visiteur recevait donc un élément visuel du corps avant d’entrer dans le grand espace. J’avais, par ailleurs, réduit de moitié l’espace dans sa largeur et suspendu un faux plafond avec des chemises jetées dessus. J’avais fait attention à ce que la reconstitution du lieu ne se voit pas et j’avais recouvert les murs de laque blanche pour créer un effet miroir et installé des agrès de sport. Il était prévu que les gens puissent monter dessus mais cela a été impossible pour des raisons de sécurité. L’exposition se terminait dans une salle dont le plafond était rempli d’ampoules de faible intensité. Enfin, le son d’un rire très acide était diffusé dans tout l’espace.

CF : Il me semble que dans plusieurs oeuvres tu utilises du matériel de salle de sport comme des agrès. Dans ton dernier film, ce n’est pas le sport que tu évoques, mais un univers assez proche, celui du cirque, des jongleries. Comment expliques-tu cette relation au sport ?

CL : Je déteste le sport, mais je m’intéresse à des univers de soumission du corps, à l’idée de performance et à tout ce qui la conditionne.

CF : Qu’en est-il, Michel, de « La piscine » (1995) ?

MN : La piscine c’était comme une fin de fête. L’action était terminée : on découvrait l’espace et ce qui restait. On se demandait donc ce qui s’était passé. Toujours dans une relation tendre et délicieuse, on comprenait que l’espace avait été quitté assez rapidement. On retrouvait d’une part le côté sportif avec la piscine et d’autre part les vestiaires avec une intimité possible. Pour cette exposition, le catalogue était très important car Claude l’avait contrôlé de A à Z .

CL : Dans ce catalogue, il y avait plusieurs types d’interventions. J’avais retrouvé des photos de la piscine en fonctionnement faites par un employé municipal qui n’avait pas conscience d’avoir réalisé des photos aussi vivantes. Ce catalogue rassemblait également des photos de repérage et des interventions. Pour ce dispositif, je n’ai pas touché au lieu. J’ai donc gardé tous les éléments de l’accueil, mais j’avais complètement obscurci l’entrée et installé une boule à facettes qui produisait un balancement de points lumineux tournants. A l’entrée des vestiaires, j’ai dédoublé les inscriptions : « Homme Homme », « Femme Femme ». J’avais traité les vestiaires comme si les gens avaient jeté leurs vêtements en dehors, en laissant les portes entrebâillées. J’avais travaillé sur l’endroit où l’on dépose les portemanteaux et recouvert de peinture métallisée ces derniers pour les rendre plus immatériels. J’avais laissé au sol les badges, les bracelets… Dans les douches, au fond de chaque cabine, j’avais installé un miroir déformant dans lequel le visiteur se voyait en réduction. Pour des raisons de sécurité, les bassins n’étaient pas accessibles, le visiteur restait donc à la porte. J’avais repeint les vitres en noir et fait une découpe, comme une meurtrière. Cette ouverture cadrait sur le plongeoir.

CF : Dans le cadre de ce travail sur les lieux de collectivité, tu as aussi réalisé une oeuvre en relation avec la cité universitaire à Poitiers ; peux-tu nous présenter l’oeuvre intitulée « Chambre 321 » (1995) ?

CL : Le Confort Moderne m’a invité et j’avais envie de travailler sur un espace minimum vital : un espace réduit. J’ai proposé de faire une intervention au Confort Moderne, mais en prenant comme point de départ une chambre d’étudiant réelle que j’ai totalement transformée. Je m’étais amusé à rencontrer pendant un an des étudiants pour leur demander comment ils vivaient dans ces chambres qui sont les mêmes partout dans le monde et disposent des mêmes fonctions très rationnelles. Les étudiants avaient des idées extrêmement variées sur les possibilités d’aménagement. Certains, en disposant autrement les équipements, agrandissaient considérablement l’espace. J’ai donc recueilli beaucoup d’informations et décidé de vider complètement la chambre 321. J’ai retiré tout ce que je pouvais, sauf les éléments fixes comme les radiateurs, les appliques, le lavabo et j’ai recouvert l’ensemble d’une peinture laquée de carrosserie. Les visiteurs étaient invités à entrer seul chaussés de chaussons de chirurgiens pour protéger le sol et éviter les rayures. La deuxième partie de l’exposition se situait dans l’espace du Confort Moderne, où j’avais transporté les éléments de la chambre reconstruite à l’identique. J’en avait délimité l’espace avec des couvertures appartenant à la cité universitaire, comme une enceinte.

PR : je voudrais dire que Claude ne fait pas du social, il n’amène pas l’art, en l’occurrence avec cette oeuvre, dans la cité, mais il utilise la cité comme matière première pour son travail, ce que je trouve absolument remarquable. Il utilise vraiment les endroits qu’on lui propose pour créer une oeuvre à part entière.

CF : As-tu utilisé la longue enquête que tu avais faite pour ce projet ?

CL : Cette recherche m’a énormément servi, même si je n’ai pas tiré parti d’anecdotes particulières. Elle m’a servi pour créer du néant, du vide, pour retrouver un espace miroir laiteux.

CF : Finalement, tu restitues plus une ambiance que tu ne représentes une réalité. C’est une transposition. Je vois ici un lien avec ton dernier film, présenté récemment à la galerie Yvon Lambert : « Asthma Attaque ». Le film se déroule dans un espace de grands ensembles dans lequel un enfant jongle et ces grands espaces me font penser à ceux de la cité universitaire qui eux-mêmes me font penser au campus de Colombine (USA) tel que le voit Gus Van Sant dans son film « Elephant ». Les étudiants de Colombine vivaient justement dans des espaces qui ressemblaient à cette cité universitaire et, au fond, à toutes les universités dans le monde. Est-ce que tu t’intéresses au cinéma, quelles sont tes références cinématographiques ?

CL : Je m’intéresse au cinéma d’Aki Kaurismäki, par exemple. J’apprécie sa façon de traduire la réalité et de la transposer. J’aime aussi la façon dont la musique et la chanson interviennent dans ses films. Mes références dépendent aussi des périodes de ma vie, je me suis intéressé au cinéma italien et bien sûr au cinéma expérimental.
Actuellement à la galerie Yvon Lambert, au sous sol, dans le studio de la librairie, je présente des films « bricolés » dans les années 70, avec des collages, des associations. C’est un univers proche de Mékas que j’aime beaucoup. Par nostalgie, j’ai eu envie de retrouver tout ça. Sans véritablement calculer, j’ai réalisé une sorte de portrait d’un jeune garçon que je connais, qui est jongleur et asthmatique. Je lui ai demandé de jongler et nous avons conçu une association d’images assez kaléidoscopiques, tournées dans tous les sens. Moi-même étant asthmatique, je connais cette impression de retournement physique de l’environnement. Dans ce film, le son est très particulier. Il s’agit d’un son d’air, comme un courant d’air sous une porte, mais transformé, avec une résonance. Il englobe la totalité du film qui dure trois minutes et est monté en boucle.

CF : Tu cites également Warhol comme une de tes références. Fais-tu la différence entre ses photographies et son cinéma ?

CL : L’univers de Warhol est très important, que ce soient ses photographies, ses sérigraphies ou l’univers de la Factory, le rock : tout a beaucoup marqué les artistes. Effectivement, pour ses films, comme pour ses sérigraphies, le travail s’inscrit dans la répétition. Personnellement, j’ai vécu une expérience formidable avec « L’homme qui dort ». Arte l’a d’ailleurs diffusé pendant le temps de sommeil du dormeur du film (John Giorno), et vers cinq heures du matin, on le voyait se lever. Je trouve extraordinaire ce rapport au temps, cette décision de filmer la répétition d’une image ultra banale, où il ne se passe rien.

CF : Nous allons maintenant discuter de l’aspect formel du travail. Michel, pourrais-tu évoquer le rapport que Claude entretient avec la lumière et le paysage de la Loire.

MN : La Loire a une importance énorme pour Claude. C’est une lumière douce, enveloppante. En contradiction avec cette lumière, il utilise dans son travail des lumières extrêmement violentes, même si dans ses premières oeuvres, il emploie des petites ampoules diffusant des couleurs douces et agréables. Soudain, il a utilisé le néon d’une façon très violente. Il a mis l’accent sur une espèce de stridence de la lumière. A contrario, il a beaucoup utilisé le noir : comme à Dijon, à l’ARC (« Claude ») ou chez Yvon Lambert où l’expérience de son oeuvre a lieu dans le noir. Cette absence de lumière est tellement intense qu’on pourrait dire que le noir nous éblouit.

CF : Dans les deux cas, nous sommes aveuglés. J’ajouterai un troisième type de lumière : la lumière blafarde qui crée une situation d’absence de vie.

CL : Pour reparler de La Loire, c’est un fleuve avec lequel je suis né, qui est vraiment important pour moi. J’ai vécu avec ce fleuve qui se métamorphose selon la lumière et les saisons. Il crée une certaine intensité de la lumière, jusqu’à l’aveuglement. Je suis très proche de la Loire, je m’y baigne d’ailleurs toujours et je ne peux aller à Nevers sans m’arrêter au moins une fois sur ses rives. Je reproduis donc cet univers poétique, même de manière inconsciente.

CF : Nous allons maintenant aborder ta relation au théâtre, à la mise en scène. J’ai d’ailleurs noté une phrase d’Eric Troncy qui disait que tu avais une relation au théâtre mais dans un « théâtre où la pièce jouée serait le décor ». Cela signifie que ton travail pourrait se comparer non pas à une pièce qui se déroule dans la durée, mais à un décor qui livre tout en un instant, en une image, un flash. Tes pièces sont dans une instantanéité si forte, notamment dans les plus récentes, qu’elles provoquent chez le spectateur un effet de choc qui le tétanise, le fige sous le coup d’une violence inattendue. Certaines pièces sont d’une telle brutalité qu’elles obligent le spectateur à sortir.

CL : J’aime assez intervenir sur le temps de visite. Je constate dans mes dispositifs que certains spectateurs se sentent brutalisés et fuient l’installation, d’autres sont impressionnés, déstabilisés et d’autres s’y soumettent plus longtemps : tout dépend de la sensibilité de chacun. Le temps de visite me donne envie d’agir instantanément, qu’il se passe quelque chose dans un temps assez court.

CF : On retrouve cette forme de déstabilisation du spectateur dans les textes écris au néon : « Je suis une merde » ; « Vous allez tous mourir ». C’est une prise à partie assez forte du spectateur.

CL : je cherche à agir sur un certain environnement visuel – les enseignes – en réagissant violemment face à la sollicitation des médias et en me positionnant de façon négative. « Je suis une merde » fait partie des lieux communs quand on s’insulte, quand on se rejette.

CF : C’est aussi une phrase qui signifie une absence d’amour telle qu’on en vient à se dévaloriser soi-même. Penses-tu qu’on entend souvent ces phrases et qu’elles sont l’expression d’une société qui va mal ?

CL : Oui, ca rces phrases appartiennent au lieu commun du langage. Dans les affiches que j’ai réalisées, j’ai d’ailleurs souvent utilisé le langage de la rue. Les gens me le communiquent et je l’utilise, en résonance avec le monde dans lequel on vit. J’essaie de trouver une position dans un monde que je trouve de plus en plus invivable.

CF : Comment penses-tu que l’art peut agir par rapport à la société, crois-tu qu’il puisse changer la société ?

CL : Oui, je crois que la culture change la société en donnant à plus de gens la possibilité d’accéder à une position critique et à ce niveau, je crois que la société évolue.

CF : On entend parfois dire que l’art est un produit de consommation comme un autre…

CL : Oui il y a de plus en plus de produits culturels. Tout est récupéré par le système. Moi-même j’estime être parfois manipulé, bien que j’essaie de rester libre face au système.

CF : Nous allons terminer cet entretien par un jeu : si nous n’avions qu’une oeuvre à retenir quel serait pour chacun des intervenants le chef d’oeuvre de Claude Lévêque. Michel, quel est le tien ?

MN : Je choisi le bol et la cuillère car c’est une oeuvre qui n’a pas beoin d’être commentée.

PR : J’ai choisi une oeuvre qui s’appelle « Claude », montrée dans l’exposition « Voilà » en 2000 à l’Arc et ensuite à la biennale de Berlin. C’est une oeuvre dans laquelle on entre et qui forme un espace entièrement noir. Soudain un coup de feu retentit et le spectateur est aveuglé par un flash. J’ai choisi cette oeuvre car c’est l’une des rares oeuvres qui me soit totalement insupportable. C’est du masochisme pur. Je la trouve extrêmement stressante. Surtout, le temps d’attente dans le noir où l’on ne sait pas ce qu’il va se passer m’est insupportable. Les émotions que provoque cette oeuvre sont tout à fait ingérables pour moi, l’intensité est trop forte.

CF : Pour ma part, j’ai choisi une oeuvre intitulée « Mon Combat », présentée à la Salle de bain (Lyon) en 2001. L’installation est en relation avec ce lieu très étroit, ce qui est très important car le spectateur se retrouve cerné dans un espace minuscule. L’idée d’emprisonnement est renforcée par l’encombrement complet du lieu où sont accumulés un nombre invraisemblable de casiers de bouteilles vides de Kronenbourg qui correspondent à la consommation de boutilles de bière d’un gros consommateur sur une année. Le spectateur est donc placé dans un face à face incontournable vis-à-vis de ces casiers. Il n’y a pas d’échappée possible, le champ visuel est uniforme : pas d’autre nourriture terrestre ou spirituelle à l’horizon, par d’autre salut que le salut par la bière. Dans cette pièce, si on extrapole un peu, l’être humain apparaît condamné à cette seule consommation comme un toxico est condamné à prendre de la drogue. Cette oeuvre évoque donc l’esclavage du consommateur. Le caractère inéluctable et indépassable de cette situation est exprimé par l’empilement rationnel et systématique des casiers à bouteilles. Ce rangement, quasi militaire, vise un ordre qui insinue l’idée d’un formatage absolu des cerveaux. C’est pourquoi l’oeuvre parle d’un univers carcéral bien particulier, à savoir l’univers concentrationnaire. Le titre de l’oeuvre, « Mon Combat », traduction de Mein Kempf fait référence au nazisme. On l’a vu, Claude a déjà produit des oeuvres en relation avec Auschwitz, en 1992 : « Arbeit Macht Frei ». Cette oeuvre est pour moi une réussite absolue, réussite qui tient aussi bien à l’émotion qu’elle dégage qu’à son aspect formel, sériel, inspiré du minimalisme. Cela pourrait faire penser à un assemblage de Judd. La dureté de cette pièce tient aussi à la tension entre une accumulation, une abondance extrême, associée à un vide tout aussi grand et désespérant. Aussi je poserai une dernière question à Claude : est-ce une pièce pessimiste ?

CL : C’est effectivement assez pessimiste puisque cette pièce constitue un clin d’oeil à la perte de nos utopies : tout se réduit à la consommation d’un seul type de bière !

CF : Je remercie vivement Claude, Michel et Philippe et vous invite au prochain entretien sur l’art, le 25 novembre. Nous recevrons Claude Closky.

Intervenants

Michel Nuridsany
Philippe Régnier

Date
Horaire
19h00
Lieu
Fondation Pernod Ricard
1 cours Paul Ricard
75008 Paris
Entrée libre
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