< input > avec Vimala Pons
Confié au journaliste et critique d'art Julien Bécourt, le cycle <input> tente d’établir des jonctions intergénérationnelles entre le champ des arts visuels, de la musique expérimentale et de la pop culture. Ponctuée de sessions d’écoute, chaque discussion met en relief les conditions de production des œuvres et leurs sources d’inspiration. La création y est envisagée sous une forme ouverte et non hiérarchisée, qu’il s’agisse de musique, d’installation, de peinture, de performance, d’art vidéo ou de cinéma.
Formée à l’histoire du cinéma et à l’histoire de l’art, puis à l’art dramatique et aux arts du cirque, Vimala Pons a plus d’une corde à son arc. Elle s’impose en figure polymorphe, naviguant avec agilité entre plusieurs disciplines, tout à la fois autrice, actrice, performeuse et musicienne. Elle tourne tour à tour sous la direction de Jacques Rivette, Alain Resnais, Antonin Peretjako, Thomas Salvador, Phillippe Garrel, Christophe Honoré, Paul Verhoeven, Bertrand Mandico, Kiyoshi Kurosawa, Alejandro Jodorowsky et de nombreux autres cinéastes. Sur scène, après le spectacle De nos jours [notes on the circus] conçu avec le collectif Ivan Mosjoukine, elle se révèle dans Grande, créé avec Tsirihaka Harrivel en 2017, et en solo dans Le Périmètre de Denver, par sa capacité à maintenir sur sa tête d’imposants objets — réels et symboliques. Sa virtuosité d’interprète, tout comme son travail protéiforme camouflent en réalité une plongée dans l’intime, émaillée d’un humour féroce.
Dans Honda Romance, sa dernière création programmée au Festival d’Automne, Vimala Pons poursuit cette recherche de l’équilibre, en s’intéressant cette fois à ce qui le menace : un nouveau dialogue avec la gravité, qui devient ici la métaphore de notre instabilité émotionnelle. Aujourd’hui, les émotions sont devenues de nouvelles ressources à exploiter : les réseaux sociaux les monétisent, le marketing politique les oriente, et les intelligences artificielles les analysent en temps réel. Face à ce constat, Vimala Pons élabore une parade singulière : un passage en revue de 200 émotions et une partition musicale pour dix interprètes, trois canons à vent et un satellite.
Une variation sur la marche, mêlée aux échos et aux formes de notre monde numérique : messages audio, brouillons de textos, vieux diaporamas — tous ces fragments obsolescents qui sont les traces de nos vies affectives. Nourrie par l’ancienne théorie des humeurs d’Hippocrate et les écrits de Madame de Staël, l’artiste se fait « humoriste » — non pas au sens contemporain, mais dans son sens archaïque : un être gouverné par ses humeurs, sujet à des variations affectives imprévisibles. Honda Romance devient alors un véritable cas d’étude : une table d’anatomie où les états mentaux se transforment en sons et en gestes, révélant les liens entre affections de l’âme, technologie et dynamiques du mouvement. Sur les compositions musicales de Tsirihaka Harrivel et Rebeka Warrior, elle chorégraphie pour dix chanteur·euses un ballet sensible et cruel, empreint de nostalgie.
Pour cette rencontre à la Fondation, émaillée d’extraits de ses spectacles et de ses vidéos, nous échangerons autour de sa manière d’entremêler création sonore et performance physique, narration surréaliste et dissidence politique.
