Évènement

Le pouvoir de l'image

Lundi 12 avril 1999 à 19h

Il s’agit ici d’évoquer les différents impacts et influences que peuvent engendrer les images notamment télévisuelles, médias…

Introduisant le propos, Michel Maffesoli évoque une recherche effectuée par Irène Pennacchioni sur la réception télévisuelle – plus particulièrement la perception et l’influence des telenovella dans le Nordest du Brésil -, qui a permis de mettre en exergue « la porosité de l’information et de la fiction ». Le pouvoir de l’image, ce monde du milieu, et sa faculté agrégative constitue un catalyseur social important.

Cette puissance de reliance de l’image serait selon Federico Casalegno, l’un des facteurs clés du fonctionnement de l’internet, étrange interface entre le niveau social et le niveau individuel. Cet espace de lisière entre les subjectivités variables est le support des « avatars et personnages multiples » qui peuplent cet espace intermédiaire de l ‘image. Internet pourrait ainsi constituer un media creux dans lequel se crée une fusion des genres.

Ce monde ouvert, celui  » des eaux mêlées du rêve et de la réalité » selon Michel Maffesoli, est celui de la duplicité.
C’est la fonction du miroir – Narcisse se noie dans le monde -, et de la métaphore (metaphoros, le transport des images), qui génère le réenchantement du monde.
Les philosophies de la modernité avaient dessiné la posture inverse, celle de l’aplatissement du réel comme instrument d’analyse et d’explication du monde. L’explication psychanalytique du stade du miroir produisait également cette reconnaissance de l’enfant par lui-même menant à l’individuation.
Face à cette stratégie du rationnel et de l’individualité, il faut prendre en compte la « ruse de l’image », celle qui rend une épaisseur et un mystère à la réalité, celle qui donne jour à la persona et au rôle.
« L’image est syntonique, elle est communielle », rappelle Maffesoli.
Elle permet le retour d’un « processus de participation magique » et « d’un partage eucharistique ».
Prenant l’exemple du rite piacullaire chez Durkheim, ou celui des images de la télévision ou d’internet, Michel Maffesoli redit cet animisme et cette relation image/fantasme/fantaisie.
Cette image, réversible, nous renvoie aux travaux de l’école de la réception et de la participation (Jauss), et à ce qu’évoquait Wittgenstein dans ses Carnets, sur la propriété de la pensée.
Si la raison est l’état de l’adulte, alors peut-être que l’image serait le mode de compréhention du puer aeternus, l’enfant éternel, l’enfant non séparé du monde par le miroir, et qui se perd dans sa globalité.

Irène Pennacchioni voit deux types de filiation critique dans ce débat.
D’une part, l’héritage marxiste, décrivant les mécanismes de l’aliénation à l’aide du vocabulaire de la manipulation, de l’intoxication et de la simulation contre le citoyen vigilant.
D’autre part, la posture socio-anthropologique, se fondant sur les aspects communautaires, religieux, rituels et émotionnels.
La deuxième filiation est la plus proche de sa sensibilité, et deux mots l’intéressent pour aborder la question de l’image, stupeur, soteria.
La stupeur est cet état produit par l’image, dans le « voir anthropologique ». Y a-t-il un « trop voir », un interdit du voir, ou un regard indu, proche de la profanation et de l’interdit divin.

Cette position, qui mettrait « la mort dans l’âme » permet d’établir une nuance entre le regarder dans son acceptation critique de maîtrise du monde, et le voir, dans le sens de laisser advenir le monde.

Soteria est le terme qui évoque tout ce qui rassure, comme par exemple le rôle sotériologique des objets. Cette perception du douillet, de la préservation se retrouvent dans le fait d’allumer la télévision qui devient le premier foyer, un territoire, une oasis qui permettrait de repousser les prédateurs.
La télévision parachève le cercle et balise l’espace temps familial.

La télévision, ajoute Maffesoli, serait ainsi comparable aux Pénates, et évoquerait la recherche mystique du centre du monde.
C’est peut-être pourquoi les exclus (le quart monde) se ré-incluent au monde par une TV allumée en permanence, et qui diffuse cette image haptique qui établit et maintient le contact social.

Intervenants

Fédérico Casalegno
Irène Pennacchioni

Date
Horaire
19h00
Lieu
Fondation Pernod Ricard
1 cours Paul Ricard
75008 Paris
Entrée libre
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