Évènement

Mode et post modernité

Lundi 20 octobre 2003 à 19h

Michel Maffesoli aborde ici le thème de la mode. La loi de l’imitation joue sur les pratiques vestimentaires, langagières, corporelles, qui agissent comme autant de signes de reconnaissance.

Mais la mode se diversifie également au gré de la constitution de petites tribus post modernes. On peut ainsi parler d’un « devenir mode du monde » où le libre arbitre, l’esprit critique cèdent  le pas au sentiment d’appartenance. Il s’agit alors de « coller » à celui qui partage les codes de la tribu: la mode permet dans ce cas d’exister dans et par l’esprit de  l’autre. En ce sens, la mode est le bon révélateur d’un nouveau lien social: celui d’une éthique de l’esthétique.

Ana-Maria Peçanha, professeur d’anthropologie à l’université de Tuiuti de Parana (Brésil), chercheur au CEAQ et animatrice du GEMODE
Werner Gephart, peintre et professeur de sociologie à l’université de Bonn (Allemagne)

Ana-Maria Peçanha commence par observer que, comme l’hypothèse de la postmodernité, la mode est une fragmentation. On porte la même chose tout en étant différent. Parfois on porte pour être vu, parfois pour être bien. On prend deux chemins différents. Quand on s’occupe de soi, quand on privilégie son rapport à l’intériorité, on cherche à se noyer dans la foule, et donc à effacer dans notre tenue vestimentaire tout ce qui pourrait nous faire remarquer. Au contraire lorsqu’on appelle le rapport à l’autre, on se mettra en valeur de façon à ce que sa tenue joue un rôle dans la communication que l’on va entamer. La mode est pareille à un miroir brisé qui nous renvoie une image multiple de nous. La mode participe à construire l’être-ensemble et l’être unique.
Michel Maffesoli poursuit en signalant que notre époque voit la recherche du substantiel faire place à un usage du matriciel. On passe de l’impératif catégorique à un impératif atmosphérique (expression d’Ortega y Gasset), de l’utilitarisme à l’hédonisme. Il y a de la forme mais il va aussi y avoir des formules. La modernité a vu la domination de la pensée calculante (Heidegger). Les principes en étaient la séparation, la distinction, la purification par élimination. Aujourd’hui revient en force une pensée méditante où comptent la dépense ; la complétude et le mimétisme dont on oublie trop souvent qu’il est aussi un principe de relation. La mode cherche une participation magique à des figures emblématiques. La pensée fonctionne aussi sur le mode figuratif. Les travaux de Patrick Tacussel en particulier l’ont bien montré. Il y a un désir de parade, un goût de l’ostentation. La notion de baroquisme tel que l’a développé Maffesoli semble s’être toujours opposée au « bon goût ». La mode a des modalités de rapport au monde. Elle est un ajustement. Elle agit parfois comme médecine interne, parfois comme un gouvernement externe. Ce sont des éléments somatophiles. Le corps est valorisé, il n’est pas un tombeau. On doit observer que dans les sphères religieuses et dans le clergé régulier en particulier, la prise d’habit est une intégration à une communauté. La mode aurait dimension de creuset. Un ensemble immatériel fait ciment. Lette cristalisation archétypale est une contraction, une concentration de la temporalité.
Werner Gephart rappelle que le premier journal sur la mode, « le courrier de la Mode » date de 1770. La question de la mode peut se généraliser à tellement de pratiques sociales que c’est à se demander s’il y a des domaines de la sociologie qui échappent à la mode. La mode serait-elle le méta-récit des méta-récits ? Autre problème, il est difficile de séparer ce qui est mode et ce qui ne l’est pas. Enfin prendre pour objet un flux est toujours délicat. La liberté lui est pourtant liée. Tous les totalitarismes ont tenté de s’y attaquer. Car la mode construit l’identité et les totalitarismes veulent pouvoir contrôler cette identité. La mode, ce n’est pas l’individualisme mais le tribalisme. Son individualisme est illusoire. Elle est la forme élémentaire de la vie sociale. On peut mettre en exergue 4 points :
· Le symbole : comme l’usage de ce que l’on appelle le blanc pape.
· La séduction : Lorsqu’on ne veut plus plaire, c’est la mort sociale. Ainsi des vieux.
· La normativité ou la normalisation : avec ses mécanismes d’inclusion et d’exclusion
· Le rite
La mode est une forme élémentaire pour être avec les autres. On accepte la perte de soi dans l’autre. Si le vêtement enferme, c’est pour ouvrir sur l’autre.

Lionel Pourtau pour les Rendez-vous de l’imaginaire.

Intervenants

Werner Gephart
Ana-Maria Peçanha

Date
Horaire
19h00
Lieu
Fondation Pernod Ricard
1 cours Paul Ricard
75008 Paris
Entrée libre
sans-titre-1.jpg
sans-titre-1.jpg

Prochainement

 
Samedi 18 mai 2024 à 16h30
 

Lancement du livre Ecrire un avis

Ecrire un avis de Yoann Thommerel (2023)
Zéro2 éditions
En présence de l'auteur et Patrice Joly, l'éditeur (Zéro2). Au programme : lecture performée suivie d'une discussion avec l'auteur.

À l'auditorium 
Mercredi 22 mai 2024 à 19h

Entretiens sur l'art avec Cindy Coutant

Confiés depuis 2021 à la critique et commissaire Jill Gasparina, les « Entretiens sur l’art » qui, depuis plus de 20 ans, dessinent une formidable collection de paroles d’artistes, scruteront désormais avec attention la matérialité et les conditions d'émergence des œuvres des artistes invités.

À la librairie 
Samedi 25 mai 2024 à 17h

Lancement de Pour des écoles d’art féministes ! 

de 15h à 17h, à Bétonsalon
Lancement de l’ouvrage La Part affective (Paraguay Press) de Sophie Orlando et conversation avec Émilie Renard et Elena Lespes Muñoz.

de 17h à 18h30, à la Fondation Pernod Ricard
Lancement de Pour des écoles d’art féministes ! (2024), ouvrage collectif coédité par l’ESACM et Tombolo Presses
avec T*Félixe Kazi-Tani, Gærald Kurdian, Sophie Lapalu, Vinciane Mandrin, Michèle Martel, Sophie Orlando, Clémentine Palluy, Émilie Renard et Liv Schulman.