Jamais seul
Patrick Javault reçoit l’artiste Michel François.
Depuis trente ans, Michel François construit une œuvre aventureuse et exubérante qui associe posters, objets de pensée, et installations. Cette œuvre a fait l’année dernière l’objet d’une importante rétrospective: « Plans d’évasion » en deux lieux (SMAK de Gand, IAC de Villeurbanne). C’est un artiste conceptuel qui se sert de ses bras et qui peut aussi bien créer un tableau avec une feuille de papier froissé qu’agencer un nombre invraisemblable d’images et de choses pour visualiser les cheminements de la pensée ou expliquer le fonctionnement de la machine artistico-sociale. Une exposition de Michel François donne toujours le sentiment de faire irruption dans un atelier, d’entrer dans la tête de l’artiste tout en continuant d’entendre les bruits de la rue. Qu’il s’agisse de réfléchir à la forme, de se laisser guider par les qualités d’un matériau, de se saisir de questions de société ou de préoccupations intimes, c’est toujours avec une approche directe faite d’intuitions et de fulgurances. Longtemps, l’incarcération, la forme des espaces de contrainte tels que les administrations, fut une piste d’investigation et l’occasion d’un travail d’échange et de fabrication d’œuvres avec des prisonniers. Le politique a naturellement sa place dans cette œuvre, comme le végétal, le minéral ou l’animal. On se souvient du « Bureau augmenté » où la masse monétaire venait s’entasser sous la table à côté des dossiers et des ordinateurs, belle façon de donner forme au travail, ou du « Salon intermédiaire » dans lequel on pouvait visionner des vidéos de l’artiste tout en se lavant les mains avec un savon rotatif géant, façon drôlatique de repenser la participation. La production de pièces s’accompagne d’une réflexion continue sur la forme de l’exposition, et Michel François a aussi bien produit des œuvres en collaboration qu’assuré des commissariats d’exposition, ou invité des commissaires à en produire (« Faux Jumeaux »).
Avec Hélène Meisel, critique et historienne d’art, nous tenterons de nous frayer un passage dans cette œuvre d’une rare richesse.